2010-11-26 - (APM) Réactions à l’inconstitutionnalité des hospitalisations sans consentement

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/od7UP ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/25

Document du vendredi 26 novembre 2010
Article mis à jour le 30 août 2020
par  A.B.

Voir aussi jpc 2010-71 : sur c. const. 2010-11-26

 
 


Vendredi 26 novembre 2010 — 17:23

Psychiatrie : réactions à l’inconstitutionnalité partielle des hospitalisations à la demande d’un tiers
Par Hélène MAUDUIT

PARIS, 26 novembre 2010 (APM) — L’inconstitutionnalité partielle des hospitalisations à la demande d’un tiers (HDT), prononcée vendredi par le Conseil constitutionnel, montre l’urgence de la réforme de la loi du 27 juin 1990, ont estimé plusieurs acteurs joints par l’APM.

Le député UMP Guy Lefrand (Eure), rapporteur du projet de loi de réforme des hospitalisations sans consentement, a estimé que le délai de huit mois laissé par le Conseil constitutionnel est « serré » mais suffisant pour adopter le nouveau texte.

Le Conseil constitutionnel a déclaré vendredi inconstitutionnelle la procédure de maintien en H.D.T. après les 15 premiers jours et a donné au législateur jusqu’au 1er août 2011 pour modifier cet article du code de la santé publique (cf dépêche APM HMNKQ001).

Le projet de loi de réforme de la loi du 27 juin 1990, présenté en conseil des ministres le 5 mai, attend son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale depuis six mois, rappelle-t-on (cf dépêche APM HMNJ5002).

La décision du Conseil constitutionnel « alerte sur la nécessité et l’urgence d’une réforme de la loi du 27 juin 1990 », a déclaré à l’APM le président de l’Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), Joseph Halos. « Il faut espérer que la discussion du projet de loi ait lieu le plus rapidement possible. Il faut aussi s’assurer que la réforme tiendra compte de la décision du Conseil constitutionnel ».

L’article du code de la santé publique est modifié dans le projet de loi de réforme mais pas sur le point soulevé par le Conseil constitutionnel, à savoir l’intervention systématique du juge pour la prolongation d’une H.D.T. au delà de 15 jours, note-t-on.

Joseph Halos s’inquiète aussi des répercussions de la décision sur le fonctionnement des hôpitaux. « Cela peut poser un problème de vide juridique. »

« Le Conseil constitutionnel déclare la loi inconstitutionnelle et a laissé un délai pour la changer mais le caractère anticonstitutionnel est maintenant un fait. » Il estime que les recours déposés devant les juridictions européennes pourraient tirer parti de cet aspect de la décision.

« Cette décision nous impose de revoir la loi de 1990 et c’est une très bonne nouvelle », a déclaré à l’APM le directeur du centre hospitalier Paul-Guiraud (Villejuif, Val-de-Marne), Henri Poinsignon. En raison du délai de huit mois, « le Parlement va devoir trouver un moment ».

DÉLAI DE HUIT MOIS TENABLE

Le député Guy Lefrand estime que la décision de ne pas laisser un patient en H.D.T. plus de 15 jours sans avis du juge est « une position raisonnable ». « La place du juge est redessinée. Dans les auditions que je mène, tous les interlocuteurs demandent que le juge des libertés et de la détention (JLD) intervienne davantage. »

« Il faut réfléchir sur la façon d’introduire cet élément également pour les soins sans consentement d’office » dans le nouveau projet de loi, a-t-il ajouté.

Le député estime par ailleurs que la date-butoir du 1er août 2011 est tenable. Si l’Assemblée nationale « prend le texte en mars » 2011, il est possible que le texte soit adopté pour le 1er août. « Ce sera serré mais c’est possible. »

RECONNAISSANCE DE L’INTERVENTION DU JUGE

Le président du Syndicat des psychiatres hôpitaux (SPH), Jean-Claude Pénochet, déclare sa « satisfaction complète » de la reconnaissance de « l’intervention systématique du juge au delà de 15 jours ».

« Le Conseil constitutionnel place l’autorité judiciaire comme gardien des libertés individuelles. Nous espérons l’extension dans le futur de sa décision aux hospitalisations d’office [HO] », indique-t-il.

« Notre cheval de bataille est de revenir à une seule modalité d’hospitalisation avec la disparition du motif de risque de troubles à l’ordre public », rappelle-t-il. « Il est possible de penser que les décisions de sortie de H.O. ne soient plus placées dans les mains du préfet et deviennent du ressort du juge car la décision porte sur les garanties des libertés et pas sur le risque de troubles à l’ordre public. »

Jointe par l’APM, Me Corinne Vaillant, qui a plaidé pour l’association Groupe information asiles (GIA) devant le Conseil constitutionnel, se félicite que « l’essentiel » ait été « retenu ».

« C’est une avancée du droit à l’hôpital psychiatrique. Le Conseil constitutionnel retient l’intervention obligatoire du juge pour le maintien et le renouvellement d’une H.D.T. Cela concerne la moitié des personnes hospitalisées en psychiatrie. »

« Il y aura en France une meilleure garantie des droits », estime-t-elle, en soulignant que l’accès au juge est actuellement difficile pour une personne hospitalisée en psychiatrie.

Le délai de huit mois lui paraît « normal » d’autant qu’il faut « rédiger le nouveau texte de loi » et « organiser matériellement la justice » pour qu’elle puisse assumer cette nouvelle tâche.

Me Vaillant se dit en revanche déçue que le Conseil constitutionnel n’ait émis qu’une réserve sur le délai dans lequel le juge statue. « Le recours au juge existe mais il n’est pas vraiment effectif. » Mais, ajoute-t-elle, la réserve va « obliger les juges à évoluer ».

André Bitton, ancien président du GIA [CRPA], juge la décision « très décevante » car « minimaliste ». « Elle laisse la porte ouverte au débat politique sur la judiciarisation mais elle laisse la personne ballotée entre justice administrative et justice judiciaire, ce qui ne facilite pas les recours. »

La position sur le délai de réponse du juge « confirme le contenu du décret du 20 mai sur les délais d’examen de demandes de sortie de H.O. et de HDT » — que le GIA conteste devant le Conseil d’État (cf dépêche APM HMNI1004) — mais la mesure devient « d’ordre législatif et non plus réglementaire ».

hm/ab/APM polsan