1838-06-30 - Loi Esquirol sur les aliénés du 30 juin 1838

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/KvLgZ ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/7

Document du samedi 30 juin 1838
Article mis à jour le 28 août 2020
par  CRPA

Cf. 2011-02-01 Réunion à Lille du Collectif Mais c’est un Homme • Intervention pour le CRPA, par André Bitton

Ainsi que : 2018-12-15 Du déni des droits des psychiatrisés dans la psychiatrie française


La loi de 1838 est restée le socle de la législation considérée pendant cent cinquante-deux ans. Elle a été suivie de celle 1990-06-27 - Loi du 27 juin 1990 sur l’hospitalisation psychiatrique sans consentement.


« Au palais de Neuilly, le 30 juin 1838. Louis-Philippe, Roi des Français, à tous présents et à venir, Salut. Nous avons proposé, les Chambres ont adopté, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

TITRE Ier — DES ÉTABLISSEMENTS D’ALIÉNÉS

Article 1er. — Chaque département est tenu d’avoir un établissement public, spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés, ou de traiter, à cet effet, avec un établissement public ou privé, soit de ce département, soit d’un autre département.

Les traités passés avec les établissements publics ou privés devront être approuvés par le ministre de l’intérieur.

Art. 2. — Les établissements publics consacrés aux aliénés sont placés sous la direction de l’autorité publique.

Art. 3. — Les établissements privés consacrés aux aliénés sont placés sous la surveillance de l’autorité publique.

Art. 4. — Le préfet et les personnes spécialement déléguées à cet effet par lui ou par le ministre de l’intérieur, le président du tribunal, le procureur du Roi, le juge de paix, le maire de la commune, sont chargés de visiter les établissements publics ou privés consacrés aux aliénés.

Ils recevront les réclamations des personnes qui y seront placées, et prendront, à leur égard, tous renseignements propres à faire connaître leur position.

Les établissements privés seront visités, à des jours indéterminés, une fois au moins chaque trimestre, par le procureur du Roi de l’arrondissement. Les établissements publics le seront de la même manière, une fois au moins par semestre.

Art. 5. — Nul ne pourra diriger ni former un établissement privé consacré aux aliénés sans l’autorisation du Gouvernement.

Les établissements privés consacrés au traitement d’autres maladies ne pourront recevoir les personnes atteintes d’aliénation mentale, à moins qu’elles ne soient placées dans un local entièrement séparé.

Ces établissements devront être, à cet effet, spécialement autorisés par le Gouvernement, et seront soumis, en ce qui concerne les aliénés, à toutes les obligations prescrites par la présente loi.

Art. 6. — Des règlements d’administration publique détermineront les conditions auxquelles seront accordées les autorisations énoncées en l’article précédent, les cas où elles pourront être retirées, et les obligations auxquelles seront soumis les établissements autorisés.

Art. 7. — Les règlements intérieurs des établissements publics consacrés, en tout ou en partie, au service des aliénés, seront, dans les dispositions relatives à ce service, soumis à l’approbation du ministre de l’intérieur.

TITRE II — DES PLACEMENTS FAITS DANS LES ÉTABLISSEMENTS D’ALIÉNÉS

SECTION 1re — Des placements volontaires

Art. 8. — Les chefs ou préposés responsables des établissements publics et les directeurs des établissements privés et consacrés aux aliénés ne pourront recevoir une personne atteinte d’aliénation mentale, s’il ne leur est remis :

1º Une demande d’admission contenant les noms, profession, âge et domicile, tant de la personne qui la formera que de celle dont le placement sera réclamé, et l’indication du degré de parenté ou, à défaut, de la nature des relations qui existent entre elles.

La demande sera écrite et signée par celui qui la formera, et, s’il ne sait pas écrire, elle sera reçue par le maire ou le commissaire de police, qui en donnera acte.

Les chefs, préposés ou directeurs, devront s’assurer, sous leur responsabilité, de l’individualité de la personne qui aura formé la demande, lorsque cette demande n’aura pas été reçue par le maire ou le commissaire de police.

Si la demande d’admission est formée par le tuteur d’un interdit, il devra fournir, à l’appui, un extrait du jugement d’interdiction ;

2º Un certificat de médecin constatant l’état mental de la personne à placer, et indiquant les particularités de sa maladie et la nécessité de faire traiter la personne désignée dans un établissement d’aliénés, et de l’y tenir renfermée.

Ce certificat ne pourra être admis, s’il a été délivré plus de quinze jours avant sa remise au chef ou directeur ; s’il est signé d’un médecin attaché à l’établissement, ou si le médecin signataire est parent ou allié, au second degré inclusivement, des chefs ou propriétaires de l’établissement, ou de la personne qui fera effectuer le placement.

En cas d’urgence, les chefs des établissements publics pourront se dispenser d’exiger le certificat du médecin ;

3º Le passeport ou toute autre pièce propre à constater l’individualité de la personne à placer.

II sera fait mention de toutes les pièces produites dans un bulletin d’entrée, qui sera renvoyé, dans les vingt-quatre heures, avec un certificat du médecin de l’établissement, et la copie de celui ci-dessus mentionné, au préfet de police à Paris, au préfet vu au sous-préfet dans les communes chefs-lieux de département ou d’arrondissement, et aux maires dans les autres communes. Le sous-préfet, ou le maire, en fera immédiatement l’envoi au préfet.

Art. 9. — Si le placement est fait dans un établissement privé, le préfet, dans les trois jours de la réception du bulletin, chargera un ou plusieurs hommes de l’art de visiter la personne désignée dans ce bulletin, à l’effet de constater son état mental et d’en taire rapport sur-le-champ. Il pourra leur adjoindre telle autre personne qu’il désignera.

Art. 10. — Dans le même délai, le préfet notifiera administrativement les noms, profession et domicile, tant de la personne placée que de celle qui aura demandé le placement, et les causes du placement,
1º au procureur du Roi de l’arrondissement du domicile de la personne placée ;
2º au procureur du Roi de l’arrondissement de la situation de l’établissement : ces dispositions seront communes aux établissements publics et privés.

Art. 11. — Quinze jours après le placement d’une personne dans un établissement public ou privé, il sera adressé au préfet, conformément au dernier paragraphe de l’article 8, un nouveau certificat du médecin de l’établissement ; ce certificat confirmera ou rectifiera, s’il y a lieu, les observations contenues dans le premier certificat, en indiquant le retour plus ou moins fréquent des accès ou des actes de démence.

Art. 12. — II y aura, dans chaque établissement, un registre coté et paraphé par le maire, sur lequel seront immédiatement inscrits les noms, profession, âge et domicile des personnes placées dans les établissements, la mention du jugement d’interdiction, si elle a été prononcée, et le nom de leur tuteur ; la date de leur placement, les noms, profession et demeure de la personne, parente ou non parente, qui l’aura demandé. Seront également transcrits sur ce registre :
1º le certificat du médecin, joint à la demande d’admission ;
2º ceux que le médecin de l’établissement devra adresser à l’autorité, conformément aux articles 8 et 11.

Le médecin sera tenu de consigner sur ce registre, au moins tous les mois, les changements survenus dans l’état mental de chaque malade. Ce registre constatera également les sorties et les décès.

Ce registre sera soumis aux personnes qui, d’après l’article 4, auront le droit de visiter l’établissement, lorsqu’elles se présenteront pour en faire la visite ; après l’avoir terminée, elles apposeront sur le registre leur visa, leur signature et leurs observations, s’il y a lieu.

Art. 13. — Toute personne placée dans un établissement d’aliénés cessera d’y être retenue aussitôt que les médecins de l’établissement auront déclaré, sur le registre énoncé en l’article précédent, que la guérison est obtenue.

S’il s’agit d’un mineur ou d’un interdit, il sera donné immédiatement avis de la déclaration des médecins aux personnes auxquelles il devra être remis, et au procureur du Roi.

Art. 14. — Avant même que les médecins aient déclaré la guérison, toute personne placée dans un établissement d’aliénés cessera également d’y être retenue, dès que la sortie sera requise par l’une des personnes ci-après désignées, savoir :
1º Le curateur nommé en exécution de l’article 38 de la présente loi ;
2º L’époux ou l’épouse ;
3º S’il n’y a pas d’époux ou d’épouse, les ascendants ;
4º S’il n’y a pas d’ascendants, les descendants ;
5º La personne qui aura signé la demande d’admission, à moins qu’un parent n’ait déclaré s’opposer à ce qu’elle use de cette faculté sans l’assentiment du conseil de famille ;
6º Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille.

S’il résulte d’une opposition notifiée au chef de l’établissement par un ayant droit qu’il y a dissentiment, soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de famille prononcera.

Néanmoins, si le médecin de l’établissement est d’avis que l’état mental du malade pourrait compromettre l’ordre public ou la sûreté des personnes, il en sera donné préalablement connaissance au maire, qui pourra ordonner immédiatement un sursis provisoire à la sortie, à la charge d’en référer, dans les vingt-quatre heures, au préfet. Ce sursis provisoire cessera de plein droit à l’expiration de la quinzaine, si le préfet n’a pas, dans ce délai, donné d’ordres contraires, conformément à l’article 21 ci-après. L’ordre du maire sera transcrit sur le registre tenu en exécution de l’article 12.

En cas de minorité ou d’interdiction, le tuteur pourra seul requérir la sortie.

Art. 15. — Dans les vingt-quatre heures de la sortie, les chefs, préposés ou directeurs en donneront avis aux fonctionnaires désignés dans le dernier paragraphe de l’article 8, et leur feront connaître le nom et la résidence des personnes qui auront retiré le malade, son état mental au moment de sa sortie, et, autant que possible, l’indication du lieu où il aura été conduit.

Art. 16. — Le préfet pourra toujours ordonner la sortie immédiate des personnes placées volontairement dans les établissements d’aliénés.

Art. 17. — En aucun cas l’interdit ne pourra être remis qu’à son tuteur, et le mineur, qu’à ceux sous l’autorité desquels il est placé par la loi.

SECTION II — Des placements ordonnés par l’autorité publique

Art. 18. — À Paris, le préfet de police, et, dans les départements, les préfets ordonneront d’office le placement, dans un établissement d’aliénés, de toute personne interdite, ou non interdite, dont l’état d’aliénation compromettrait l’ordre public ou la sûreté des personnes.

Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les auront rendus nécessaires. Ces ordres, ainsi que ceux qui seront donnés conformément aux articles 19, 20, 21 et 23, seront inscrits sur un registre semblable à celui qui est prescrit par l’article 12 ci-dessus, dont toutes les dispositions seront :applicables aux individus placés d’office.

Art. 19. — En cas de danger imminent, attesté par le certificat d’un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordonneront, à l’égard des personnes atteintes d’aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au préfet, qui statuera sans délai.

Art. 20. — Les chefs, directeurs ou préposés responsables des établissements, seront tenus d’adresser aux préfets, dans le premier mois de chaque semestre, un rapport rédigé par le médecin de l’établissement sur l’état de chaque personne qui y sera retenue, sur la nature de sa maladie et les résultats du traitement.

Le préfet prononcera sur chacune individuellement, ordonnera sa maintenue dans l’établissement ou sa sortie.

Art. 21. — À l’égard des personnes dont le placement aura été volontaire, et dans le cas où leur état mental pourrait compromettre l’ordre public ou la sûreté des personnes, le préfet pourra, dans les formes tracées par le deuxième paragraphe de l’article 18, décerner un ordre spécial, à l’effet d’empêcher qu’elles ne sortent de l’établissement sans son autorisation, si ce n’est pour être placées dans un autre établissement.

Les chefs, directeurs ou préposés responsables, seront tenus de se conformer à cet ordre.

Art. 22. — Les procureurs du Roi seront informés de tous les ordres donnés en vertu des articles 18, 19, 20 et 21.

Ces ordres seront notifiés au maire du domicile des personnes soumises au placement, qui en donnera immédiatement avis aux familles.

Il en sera rendu compte au ministre de l’intérieur.

Les diverses notifications prescrites par le présent article seront faites dans les formes et délais énoncés en l’article 10.

Art. 23. — Si, dans l’intervalle qui s’écoulera entre les rapports ordonnés par l’article 20, les médecins déclarent, sur le registre tenu en exécution de l’article 12, que la sortie peut être ordonnée, les chefs, directeurs ou préposés responsables des établissements, seront tenus, sous peine d’être poursuivis conformément à l’article 30 ci-après, d’en référer aussitôt au préfet, qui statuera sans délai.

Art. 24. — Les hospices et hôpitaux civils seront tenus de recevoir provisoirement les personnes qui leur seront adressées en vertu des articles 18 et 19, jusqu’à ce qu’elles soient dirigées sur l’établissement spécial destiné à les recevoir, aux termes de l’article 1er, ou pendant le trajet qu’elles feront pour s’y rendre.

Dans toutes les communes où il existe des hospices ou hôpitaux, les aliénés ne pourront être déposés ailleurs que dans ces hospices ou hôpitaux. Dans les lieux où il n’en existe pas, les maires devront pourvoir à leur logement, soit dans une hôtellerie, soit dans un local loué à cet effet.

Dans aucun cas, les aliénés ne pourront être ni conduits avec les condamnés ou les prévenus, ni déposés dans une prison.

Ces dispositions sont applicables à tous les aliénés dirigés par l’administration sur un établissement public ou privé.

SECTION III — Dépenses du service des aliénés

Art. 25. — Les aliénés dont le placement aura été ordonné par le préfet, et dont les familles n’auront pas demandé l’admission dans un établissement privé, seront conduits dans l’établissement appartenant au département, ou avec lequel il aura traité.

Les aliénés dont l’état mental ne compromettrait point l’ordre public ou la sûreté des personnes y seront également admis, dans les formes, dans les circonstances et aux conditions qui seront réglées par le conseil général, sur la proposition du préfet, et approuvées par le ministre.

Art. 26. — La dépense du transport des personnes dirigées par l’administration sur les établissements d’aliénés sera arrêtée par le préfet, sur le mémoire des agents préposés à ce transport.

La dépense de l’entretien, du séjour et du traitement des personnes placées dans les hospices ou établissements publics d’aliénés sera réglée d’après un tarif arrêté par le préfet.

La dépense de l’entretien, du séjour et du traitement des personnes placées par les départements dans les établissements privés sera fixée par les traités passés par le département, conformément à l’article 1er.

Art. 27. — Les dépenses énoncées en l’article précédent seront à la charge des personnes placées ; à défaut, à la charge de ceux auxquels il peut être demandé des aliments, aux termes des articles 205 et suivants du Code civil.

S’il y a contestation sur l’obligation de fournir des aliments, ou sur leur quotité, il sera statué par le tribunal compétent, à la diligence de l’administrateur désigné en exécution des articles 31 et 32.

Le recouvrement des sommes dues sera poursuivi et opéré à la diligence de l’administration de l’enregistrement et des domaines.

Art. 28. — À défaut, ou en cas d’insuffisance des ressources énoncées en l’article précédent, il y sera pourvu sur les centimes affectés, par la loi de finances, aux dépenses ordinaires du département auquel l’aliéné appartient, sans préjudice du concours de la commune du domicile de l’aliéné, d’après les bases proposées par le conseil général sur l’avis du préfet, et approuvées par le Gouvernement.

Les hospices seront tenus à une indemnité proportionnée au nombre des aliénés dont le traitement ou l’entretien était à leur charge, et qui seraient placés dans un établissement spécial d’aliénés.

En cas de contestation, il sera statué par le conseil de préfecture.

SECTION IV — Dispositions communes à toutes les personnes placées dans les établissements d’aliénés

Art. 29. — Toute personne placée ou retenue dans un établissement d’aliénés, son tuteur, si elle est mineure, son curateur, tout parent ou ami, pourront, à quelque époque que ce soit, se pourvoir devant le tribunal du lieu de la situation de l’établissement, qui, après les vérifications nécessaires, ordonnera, s’il y a lieu, la sortie immédiate.

Les personnes qui auront demandé le placement, et le procureur du Roi, d’office, pourront se pourvoir aux mêmes fins.

Dans le cas d’interdiction, cette demande ne pourra être formée que par le tuteur de l’interdit.

La décision sera rendue, sur simple requête, en chambre du conseil et sans délai ; elle ne sera point motivée.

La requête, le jugement et les autres actes auxquels la réclamation pourrait donner lieu, seront visés pour timbre et enregistrés en débet.

Aucunes requêtes, aucunes réclamations adressées, soit à l’autorité judiciaire, soit à l’autorité administrative, ne pourront être supprimées ou retenues par les chefs d’établissements, sous les peines portées au titre III ci-après.

Art. 30. — Les chefs, directeurs ou préposés responsables, ne pourront, sous les peines portées par l’article 120 du Code pénal, retenir une personne placée dans un établissement d’aliénés, dès que sa sortie aura été ordonnée par le préfet, aux termes des articles 16, 20 et 23, ou par le tribunal aux termes de l’article 29, ni lorsque cette personne se trouvera dans les cas énoncés aux articles 13 et 14.

Art. 31. — Les commissions administratives ou de surveillance des hospices ou établissements publics d’aliénés exerceront, à l’égard des personnes non interdites qui y seront placées, les fonctions d’administrateurs provisoires. Elles désigneront un de leurs membres pour les remplir : l’administrateur, ainsi désigné, procédera au recouvrement des sommes dues à la personne placée dans l’établissement, et à l’acquittement de ses dettes ; passera des baux qui ne pourront excéder trois ans, et pourra même, en vertu d’une autorisation spéciale accordée par le président du tribunal civil, faire vendre le mobilier.

Les sommes provenant, soit de la vente, soit des autres recouvrements, seront versées directement dans la caisse de l’établissement, et seront employées, s’il y a lieu, au profit de la personne placée dans l’établissement.

Le cautionnement du receveur sera affecté à la garantie desdits deniers, par privilège aux créances de toute autre nature.

Néanmoins les parents, l’époux ou l’épouse des personnes placées dans des établissements d’aliénés dirigés ou surveillés par des commissions administratives, ces commissions elles-mêmes, ainsi que le procureur du Roi, pourront toujours recourir aux dispositions des articles suivants.

Art. 32. — Sur la demande des parents, de l’époux ou de l’épouse, sur celle de la commission administrative ou sur la provocation, d’office, du procureur du Roi, le tribunal civil du lieu du domicile pourra, conformément à l’article 497 du Code civil, nommer, en chambre du conseil, un administrateur provisoire aux biens de toute personne non interdite placée dans un établissement d’aliénés. Cette nomination n’aura lieu qu’après délibération du conseil de famille, et sur les conclusions du procureur du Roi. Elle ne sera pas sujette à l’appel.

Art. 33. — Le tribunal, sur la demande de l’administrateur provisoire, ou à la diligence du procureur du Roi, désignera un mandataire spécial à l’effet de représenter en justice tout individu non interdit et placé ou retenu dans un établissement d’aliénés, qui serait engagé dans une contestation judiciaire au moment du placement, ou contre lequel une action serait intentée postérieurement.

Le tribunal pourra aussi, dans le cas d’urgence, désigner un mandataire spécial à l’effet d’intenter, au nom des mêmes individus, une action mobilière ou immobilière. L’administrateur provisoire pourra, dans les deux cas, être désigné pour mandataire spécial.

Art. 34. — Les dispositions du Code civil, sur les causes qui dispensent de la tutelle, sur les incapacités, les exclusions ou les destitutions des tuteurs, sont applicables aux administrateurs provisoires nommés par le tribunal.

Sur la demande des parties intéressées, ou sur celle du procureur du Roi, le jugement qui nommera l’administrateur provisoire pourra en même temps constituer sur ses biens une hypothèque générale ou spéciale, jusqu’à concurrence d’une somme déterminée par ledit jugement.

Le procureur du. Roi devra, dans le délai de quinzaine, faire inscrire cette hypothèque au bureau de la conversation : elle ne datera que du jour de l’inscription.

Art. 35. — Dans le cas où un administrateur provisoire aura été nommé par jugement, les significations à faire à la personne placée dans un établissement d’aliénés seront faites à cet administrateur.

Les significations faites au domicile pourront, suivant les circonstances, être annulées par les tribunaux.

II n’est point dérogé aux dispositions de l’article 173 du Code de commerce.

Art. 36. — À défaut d’administrateur provisoire, le président, à la requête de la partie la plus diligente, commettra un notaire pour représenter les personnes non interdites placées dans les établissements d’aliénés, dans les inventaires, comptes, partages et liquidations dans lesquels elles seraient intéressées.

Art. 37. — Les pouvoirs conférés en vertu des articles précédents cesseront de plein droit dès que la personne placée dans un établissement d’aliénés n’y sera plus retenue.

Les pouvoirs conférés par le tribunal en vertu de l’article 32 cesseront de plein droit à l’expiration d’un délai de trois ans : ils pourront être renouvelés.

Cette disposition n’est pas applicable aux administrateurs provisoires qui seront donnés aux personnes entretenues par l’administration dans les établissements privés.

Art. 38. — Sur la demande de l’intéressé, de l’un de ses parents, de l’époux ou de l’épouse, d’un ami, ou sur la provocation d’office du procureur du Roi, le tribunal pourra nommer, en chambre de conseil, par jugement non susceptible d’appel, en outre de l’administrateur provisoire, un curateur à la personne de tout individu non interdit placé dans un établissement d’aliénés, lequel devra veiller,
1º à ce que ses revenus soient employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison ;
2º à ce que ledit individu soit rendu au libre exercice de ses droits aussitôt que sa situation le permettra.

Ce curateur ne pourra pas être choisi parmi les héritiers présomptifs de la personne placée dans un établissement d’aliénés.

Art. 39. - Les actes faits par une personne placée dans un établissement d’aliénés, pendant le temps qu’elle y aura été retenue, sans que son interdiction ait été prononcée ni provoquée, pourront être attaqués pour cause de démence, conformément à l’article 1304 du Code civil.

Les dix ans de l’action en nullité courront, à l’égard de la personne retenue qui aura souscrit les actes, à dater de la signification qui lui en aura été faite, ou de la connaissance qu’elle en aura eue après sa sortie définitive de la maison d’aliénés ;

Et, à l’égard de ses héritiers, à dater de la signification qui leur en aura été faite, ou de la connaissance qu’ils en auront eue, depuis la mort de leur auteur.

Lorsque les dix ans auront commencé de courir contre celui-ci, ils continueront de courir contre les héritiers.

Art. 40. — Le ministère public sera entendu dans toutes les affaires qui intéresseront les personnes placées dans un établissement d’aliénés, lors même qu’elles ne seraient pas interdites.

TITRE III — DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Art. 41. — Les contraventions aux dispositions des articles 5, 8, 11, 12, du second paragraphe de l’article 13, des articles 15, 17, 20, 21, et du dernier paragraphe de l’article 29 de la présente loi, et aux règlements rendus en vertu de l’article 6, qui seront commises par les chefs, directeurs ou préposés responsables des établissements publics ou privés d’aliénés, et par les médecins employés dans ces établissements, seront punies d’un emprisonnement de cinq jours à un an, et d’une amende de cinquante francs à trois mille francs, ou de l’une ou l’autre de ces peines.

Il pourra être fait application de l’article 463 du Code pénal.

 
La présente loi, discutée, délibérée et adoptée par la Chambre des Pairs et par celle des Députés, et sanctionnée par nous cejourd’hui, sera exécutée comme loi de l’État.

Donnons en mandement à nos Cours et Tribunaux, Préfets, Corps administratifs, et tous autres, que les présentes ils gardent et maintiennent, fassent garder, observer et maintenir, et, pour les rendre plus notoires à tous, ils les fassent publier et enregistrer partout où besoin sera ; et, afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre sceau.

Fait au palais de Neuilly, le 30e jour du mois de Juin, l’an 1838.

Signé LOUIS-PHILIPPE.

Par le Roi :

Le Pair de France,
Ministre Secrétaire d’État au département de l’intérieur,
Signé MONTALIVET.

Vu et scellé du grand sceau
Le Garde des sceaux de France,
Ministre Secrétaire d’État au département de la justice et des cultes,
Signé BARTHE.

Certifié conforme par nous
Garde des sceaux de France,
Ministre Secrétaire d’État
au département de la justice et des cultes,
À Paris, le 6 Juillet 1838,
BARTHE »